< 1915 - Le front de la Somme I >
26 avril
de 1h à 3h du matin, sentinelle et de 10h à 12h ½ - En faisant le ravitaillement, un homme a la figure tranversée par une balle - il se trouvait à 1500 mètres de l'ennemi alors que nous n'en sommes qu'à 40 et il n'y a encore personne de tombé. Nous tiraillons par acquit de conscience ; car l'un et l'autre des adversaires sont si bien terrés que l'on ne voit rien.
4h du soir, fait notable en tranchée, nous avons trouvé de l'eau et à quelque uns nous nous lavons. Journée très calme à part le raid de 3 aviateurs qui malgré une forte cannonade survolent les lignes ennemies.
Sentinelle de 7 à 9 – de 11h à 1h du matin.
27 avril
3h du matin alerte ; un nommé Renouvin est tué d'une balle au ventre, l'alerte dure ½ heure, le calme revenu je suis désigné pour la place du mort jusqu'à 5 heures- de faction le soir de 1 ½ à 4h20-5h alerte- 9h ½ alerte, les deux sans résultats.
28 avril
de 0 à 5h du matin faction-8h-10h50 idem, reconnaissance d'avions à travers la cannonade-journée très calme- le soir de 7h à 11h de faction à 11h5 je rentre dans mon trou et m'y endort profondément jusque 2h du matin
29 avril
2h ½ du matin nous sommes relevés par une compagnie du 410 et nous partons au repos à 12 km de là au village de Morlancourt-arrivé à 8 heures, quel bien être ; on peut laissé tomber son équipement et se déshabillé-l'après-midi je fais ma lessive à 18 km de là au moulin de Corbie.
30 avril
A ma joie du repos s'ajoute celle de recevoir une lettre de ma femme, les nouvelles sont très bonnes et me rassurent grâce à la générosité de mes patrons elle ne manque de rien. Moi aussi aujourd'hui, je me paye une petite fantaisie avec quelques camarades ; nous achetons du lait et faisons le chocolat.
L'après-midi je vais à Bray pour le ravitaillement et assiste au bombardement de Bray par un avion allemand, il lance des bombes incendiaires.
1 mai
Exercice à la baïonette et marche rampante sans sac.
2 mai
Petite marche en tenue de campagne, l'après-midi au rassemblement je suis proposé comme caporal par le lieutenant Lavavasseur, je suis ennuyé car probablement il va me falloir changer de compagnie-Comme c'est dimanche la compagnie organise des jeux et ce sera tout pour aujourd’hui.
3 mai
5h du soir départ pour le retour en tranchées, nous reprenons le même emplacement que la fois précédente-9h arrivée, nous faisons une pose à l'abri car les adversaires sont aux prises au bois Français et les balles perdues pleuvent, enfin nous rentrons, la pluie tombe à torrent, je prends la garde de 11h à 1h du matin.
4 mai
garde de 3 à 5h du matin -journée de pluie orageuse- garde de 4h20 à 7h et de 9h à 11
5 mai
garde de 1h à 3-2h du matin j'apprends par le lieutenant .........(*) que grâce au lieutenant Levavasseur, je suis nommé caporal mais je passe à la 6ème compagnie
11h départ pour rejoindre mes nouveaux chefs et camarades. 1h de marche par boyaux et dans la boue, j'arrive enfin au bureau de la 6ème, on me présente au capitaine, je ne sais ce qu'il pense de moi, mais j'ai très bonne impression de lui.
Le sergent qui me pilote commande mon demi-secteur et lui autant que le capitaine me fait l'éloge d'un nommé Le Guillou de mon escouade, je fais sa connaissance, ce sera mon bras droit !
5h rafale de 75 sur les tranchée ennemies qui sont à 100 mètres.
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(*) Boissière ?
6 mai
Je suis satisfait ; je crois que les hommes de l'escouade seront raisonnables avec moi, je le souhaite de tout mon coeur car cela m'ennuyerait bien de punir. L'après-midi nous assistons à une lutte de torpilles françaises et 77. Quel ravage cela fait ! Nous sommes en face de Mametz, devant notre secteur le sol est jonché de cadavre qui sont là depuis le mois de décembre.
7 mai
Depuis hier soir 6h j'ai pris une garde de 24h avec mon escouade, j'assiste à un bombardement des tranchées ennemies par notre canon appelé Crapouillard. Le résultat doit être terrible car nous sentons le déplacement d'air jusqu'ici où de morceaux de fontes viennent s'égarer et là-bas des colonnes de fumée noire s'élèvent jusqu'à 25 mètres - pas un coup de fusil ne s'entend.
L'après-midi proposition par le capitaine Page au poste de caporal divisionnaire. Je suis fort embarrassé pour accepter car serais-je assez débrouillard pour ce truc là ; enfin le capitaine me rassure et j'accepte, ce sera pour dans quelques jours.
6h au soir notre tour de garde est passé et a eu lieu dans la drache continuelle, nous sommes trempés jusqu'aux os et couverts de boue.
8 mai
Journée relativement calme, nous sommes toujours à 100m de l'ennemi, à part quelques rares coups de fusil on ne dirait pas que c'est la guerre. Je suis allongé dans mon abri en attendant le retour de l'escouade pour la garde qui doit reprendre ce soir à 6h, mon Leguillou couché à côté de moi ronfle comme un sonneur, cet animal là m'empêche de dormir avec son potin.
9 mai
Journée aussi calme que le 8, nous serons relevés dans la nuit.
10 mai
1h du matin la 6ème compagnie est relevée par le 410, nous arrivons à Bray à 4h contents de pouvoir nous reposer un peu après 7 jours au régime des soupes. 7 h réveil et nous entreprenons le brossage des effets et des armes, l'après-midi douches et lavage du linge ; le soir désillusion, une corvée de 120 hommes par compagnie est ordonnée pour la répartition des tranchées, je suis désigné comme chef de chambre (*) et vais m'apprêter à passer la nuit.
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(*) ? peu lisible
11 mai
2h du matin nous quittons le travail, traversons 2 kilomètre de boyau et rentrons au cantonnement à 4h, toute la journée repos. Le soir je sors pour faire quelques achats lorsque je vois des poilus rentrer à l'église, je les suis et assiste au salut.
14 mai
Les journées du 12 et 13 se sont passées au repos. La nuit du 13 au 14 travail aux tranchées en face de Marmetz, la pluie tombe averse et c'est pour nous une grosse difficulté pour ce genre de travail. Nous apprenons que les Allemands ont fait sauter une mine sous l'emplacement de notre 1ère section, il y a une douzaine de morts.
Ce soir, nous relevons le 1ère bataillon au petit bois Français (Fricourt) endroit très dangereux, enfin, ayons confiance.
15 mai
Nous sommes dans des tranchées à moitié démolies par les mines et bombes de toutes sortes, qu'il va nous falloir reconsolider tout en surveillant qui est à 15 mètres, 5h35 du matin, 2 hommes de mon escouade -Lefèbre cl 14 et Nigaize cl 15 tombent tous deux mortellement frappés d'une balle en pleine tête, un autre mort également faisait partie de la 3ème section. L'après-midi feu d'artillerie très brutal raid d'avion au milieu des obus allemands un .....se montre et se fait canarder mais la méthode de notre tir ne me paraît pas la même que la leur.
16 mai
Le matin 6h ½ enterrement de mes deux petits camarades, on leur a donné à chacun un cerceuil-L'après-midi je prends mon poste d'observation pour 24h. L'entonnoir qui se trouve entre notre tranchée et la leur me paraît modifié, si c'est vrai, nous ne sommes plus qu'à 7 mètre d'eux.
A 2h1/2 nous sommes surpris par une légère explosion qui se produit sur notre gauche à 20 mètre de là. Ce sont les Allemands qui ont fait sauter un ...., résultat : détérioration de leur première ligne et 6h du soir explosion formidable au secteur de la 7ème compagnie. C'est le génie qui vient de faire sauter une mine, il s'en suit un bombardement de part et d'autre dont je n'en connais pas le résultat. La nuit suivante assez calme
17 mai
Matin 1 mort à la première section, toujours par une balle dans la tête ; vraiment c'est à croire que l'on ne peut tomber que de cette façon ! La pluie se met de la partie, et à midi quand on nous relève pour la pose de 7 heure, la tranchée est à moitié éboulée et nous avons de l'eau jusqu'à mi-jambes.
7h du matin je reprends la surveillance, la pluie n'a pas cessé et me revoilà ici jusqu'à demain 5h du matin.
18 mai
Je viens de passer un de mes plus mauvaises nuits, je ne me suis encore jamais vu dans un tel état-je suis crotté, trempé jusqu'aux os. Un mal de chien pour marcher dans le boyau où l'on s'enfonce terriblement. Je bois le jus froid qui a été chauffé à 1500m en arrière et suis autorisé à me reposer jusqu'à midi. Naturellement comme il faut rester équipé, je reste trempé et m'allonge par terre sans paille sur un sac à provisions.
A midi, nouvelle garde de 24h, en arrivant au poste les boches nous saluent à coup de grenades, émotion ; mais personne d'atteint. La pluie a une tendance à cesser ; nous en serions bien aise, car nous avons l'impression qu'il ne serait pas possible de se battre dans l'état que nous sommes.
19 mai
La nuit vient de se passer dans le plus grand calme, toujours échange de coups de fusil, mais pas d'attaque-à midi nous nous mettons à l'abri pour une pose de 24h - à 2h je suis éveillé par une décharge de saucissons, crapouillots et grenades que les Allemands nous expédient. Il leur est répondu par une rafalle de 75 et ils se taisent aussitôt.