henri autin

Journal de Campagne de Henri Autin

< 1914 - L'arrivée au front >

19 septembre

Départ pour le front dans un détachement de 1200 hommes; nous allons renforcer le 74 qui a perdu beaucoup de monde à Charleroi et dans l'offensive de la Marne.

21 septembre

6 au matin. Débarquement en gare de Moizon- on fait le jus sur le terrain - pour la première fois, j'entends le canon mais cela paraît très loin - j'assiste un moment à un embarquement de blessés. Il y a là un allemand les 2 jambes coupées, je le plains de tout mon coeur ainsi qu'un Français qu se plaint d'une blessure dans le ventre. On nous fait circuler car voilà pour nous une bien mauvaise impression.

8h départ en colonnes par quatre, nous marchons toute la journée sans retrouver le régiment - 11 h au soir, arrivée à Chenoy (2), je dors debout, on conduit la compagnie dans une ferme. Le propriétaire veut nous faire coucher au milieu de la cour sous les voitures, nous passons outre et couchons dans un grenier à foin.

22 septembre

5h au matin rassemblement, 1h de marche et arrivée à Pouillon ou se trouve le 74 en cantonnement - Répartition des escouades, très bonne impression de celle où je me trouve - repos toute la journée.

23 septembre

Au petit jour départ pour la tranchée - la 5ème dont je fais partie. Nous traversons la route de Reims et nous nous planquons à l'abri d'une carrière. L'ennemi est à 600m, la 6ème passe en avant, est repérée, et nous attire une raffale d'artillerie. Baptême du feu personne de blessé à la 5ème, mais ceux de la 6ème dégringolent rapidement. A la tombée de la nuit, nous montons sur le terrain découvert, avançons en tirailleur jusqu'à 50 m de là, nous y restons deux heures et rentrons indemne au cantonnement ou plutôt non, un homme vient de se blesser avec son propre fusil.

24 septembre

Le même chemin qu'hier. Nous profitons d'un léger brouillard pour avancer jusqu'à 300 mètres de l'ennemi ; celui-ci nous aperçoit, nous envoie quelques balles, nous nous couchons la tête derrière un tas de fumier, et commençons à creuser notre trou; je n'ai pas de pelle, je fais le mien avec mon couteau.

Vers 10h du matin les Allemands nous envoient une trentaine d'obus, il y a un seul blessé sur ma gauche. Nos 75 répondent et cela fait du tapage, je suis assourdi.

Enfin un peu de calme jusqu'à 4h

4h, nouvelle rafale - plus précis cette fois, le tir allemand atteint notre tranchée à droite - quelques poilus ont la mauvaise idée de se replier, je suis leur exemple et ai à m'en repentir aussitôt car le tir ennemi s'allonge et augmente, j'atteins la route de Reims sain et sauf, malgré la grèle dans laquelle je viens de passer. Nous laissons beaucoup de plumes sur le champs. A la nuit nous regagnons nos emplacements que nous quittons vers 11h pour rentrer au cantonnement. Mon camarade (Leclerc ? ) est blessé légèrement.

25 septembre

Rassemblement des nouveaux arrivés(dont je fait partie) pour une parade d'exécution - je vois fusiller un homme de 39 condamné pour avoir abandonné son poste par 3 fois.

26 septembre

Bombardement de Pouillon par les allemands, les maisons tombent comme un chateau de carte nous sommes dans les caves - A 4h de l'après-midi nous partons à travers la mitraille, quelques hommes tombent, nous réussisson à regagner la route de Reims que les Allemands veulent prendre, nous attendons l'assaut jusqu'à 1h du matin, il n'arrive pas, et nous évacuons. J'ai pris la garde de minuit à 1h avec la frousse.

©2003-2008 Anne Autin-Simon